soleil_ambrien: (Harpagon avarice)
soleil_ambrien ([personal profile] soleil_ambrien) wrote2011-03-07 11:05 am

Mème des ladies, jour 7

Day Seven: A female character that needs more screen time : L’Infante du Cid de Corneille



 
C'est un bon personnage, mais son intrigue est secondaire et elle n'apparaît donc que très peu - sept scènes, tout au plus, sur cinq actes de six ou sept scènes chacun, et encore, sans toujours parler. Mais aussi, l'intrigue ne s'y prête pas. A l'époque, on critiquait jusquu'à sa présence, qui viole la règle des trois unités - celle d'action, en l'occurrence - et certaines mises en scène ont fait l'économie de ses interventions. C'est dommage. J'aimais beaucoup la dialectique de son amour malheureux envers Rodrigue.

Un passage de l'acte I, scène 2, que j'avais appris par cœur, en quatrième - et je me sentais touchée par ça car ce qu'elle décrivait ressemblait un peu à ma propre situation.

L’infante
Ma tristesse redouble à la tenir secrète.
Écoute, écoute enfin comme j’ai combattu,
Écoute quels assauts brave encor ma vertu.
L’amour est un tyran qui n’épargne personne :
Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,
Je l’aime.

Léonor
Je l’aime. Vous l’aimez !

L’infante
Je l’aime. Vous l’aimez ! Mets la main sur mon cœur,
Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur,
Comme il se reconnaît.

Léonor
Comme il se reconnaît. Pardonnez-moi, madame,
Si je sors du respect pour blâmer cette flamme.
Une grande princesse à ce point s’oublier
Que d’admettre en son cœur un simple cavalier !
Et que dirait le roi, que dirait la Castille ?
Vous souvient-il encor de qui vous êtes fille ?

L’infante
Il m’en souvient si bien que j’épandrai mon sang,
Avant que je m’abaisse à démentir mon rang.
Je te répondrais bien que dans les belles âmes
Le seul mérite a droit de produire des flammes ;
Et si ma passion cherchait à s’excuser,
Mille exemples fameux pourraient l’autoriser :
Mais je n’en veux point suivre où ma gloire s’engage ;
La surprise des sens n’abat point mon courage ;
Et je me dis toujours qu’étant fille de roi
Tout autre qu’un monarque est indigne de moi.
Quand je vis que mon cœur ne pouvait se défendre,
Moi-même je donnai ce que je n’osais prendre.
Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens,
Et j’allumai leurs feux pour éteindre les miens.
Ne t’étonne donc plus si mon âme gênée
Avec impatience attend leur hyménée ;
Tu vois que mon repos en dépend aujourd’hui.
Si l’amour vit d’espoir, il périt avec lui ;
C’est un feu qui s’éteint, faute de nourriture ;
Et malgré la rigueur de ma triste aventure,
Si Chimène a jamais Rodrigue pour mari,
Mon espérance est morte et mon esprit guéri.
Je souffre cependant d’un tourment incroyable :
Jusques à cet hymen Rodrigue m’est aimable ;
Je travaille à le perdre, et le perds à regret ;
Et de là prend son cours mon déplaisir secret.
Je vois avec chagrin que l’amour me contraigne
À pousser des soupirs pour ce que je dédaigne ;
Je sens en deux partis mon esprit divisé :
Si mon courage est haut, mon cœur est embrasé ;
Cet hymen m’est fatal, je le crains et souhaite ;
Je n’ose en espérer qu’une joie imparfaite.
Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d’appas,
Que je meurs s’il s’achève ou ne s’achève pas.

Léonor
Madame, après cela je n’ai rien à vous dire,
Sinon que de vos maux avec vous je soupire ;
Je vous blâmais tantôt, je vous plains à présent.
Mais puisque dans un mal si doux et si cuisant
Votre vertu combat et son charme et sa force,
En repousse l’assaut, en rejette l’amorce,
Elle rendra le calme à vos esprits flottants.
Espérez donc tout d’elle, et du secours du temps,
Espérez tout du ciel, il a trop de justice
Pour laisser la vertu dans un si long supplice.

L’infante
Ma plus douce espérance est de perdre l’espoir.

 

  

Sublime !