soleil_ambrien: (HP Ravenclaw light reading)
soleil_ambrien ([personal profile] soleil_ambrien) wrote2011-01-06 05:25 pm

52 livres en un an, premier livre de l'année

Je viens de terminer le premier livre de l'année. Je rappelle que le but est d'en lire 52 en tout.

C'est un livre de non-fiction - une fois n'est pas coutume - et je dois avouer qu'il est assez déprimant.


1. La Fabrique du Crétin, de Jean-Paul Brighelli, 2005

C'est un autre enseignant, ami de ma mère, qui me l'a prêté. Et je peux vous assurer que ce n'est pas joyeux !

La quatrième de couverture :
Nos enfants ne savent plus lire, ni compter, ni penser. Le constat est terrible, et ses causes moins obscures qu'on ne veut bien le dire. Un enchaînement de bonnes intentions mal maîtrisées et de calculs intéressés a délité en une trentaine d'années ce qui fut l'un des meilleurs systèmes éducatifs au monde. Faut-il incriminer les politiques, les profs, les parents, les syndicats, les programmes ? En tout cas, la Nouvelle Pédagogie a fait ses " preuves " : l'école a cessé d'être le moteur d'un ascenseur social défaillant. Ceux qui sont nés dans la rue, désormais, y restent. Dès lors, que faire ?
 

Mon avis : Sur le fond, l'auteur n'a pas tout à fait tort. C'est vrai que de moins en moins d'élèves venus de banlieue accèdent au prépa du même nom, et que même dans ces dernières, nombre d'élèves sont des enfants de profs - j'en sais quelque chose, c'est mon propre cas. De même, les énarques sont de plus en plus des "fils de", et le niveau chute, c'est incontestable.
Ceci dit, je ne suis pas favorable à son mépris des 80% délèves qui ont le Bac, si différents des 20% de jadis, vingt ans plus tôt. Tout d'abord, bien plus d'élèves accèdent au lycée qu'auparavant. Et surtout, l'enseignement est désormais bien plus divers, et contrairement à ce qu'il dit, on laisse moins de gens sur le bord de la route qu'à son époque.
L'uteur critique aussi la "discrimination positive". Je sais pertinnemment que tout le monde ne sera pas d'accord avec moi sur ce point, mais je suis intimement convaincue que si jamais on a envie de changer les choses, il faudra impérativement en passer par là, même si l'expression française est fort malheureuse. Je lui préfère d'ailleurs le terme "Affirmative Action", plus positif.
De même, l'idée selon laquelle on mettrait l'élève au centre du système n'est pas si bête, sauf lorsqu'elle mène à de regrettables dérives. Et je trouve cela dommage que Brighelli ne se concentre justement que sur les échecs du système, ce qui dénote un parti pris assumé, certes, mais nettement partial et partiel.
Bien entendu, en tant qu'ancienne prof qui a même démissionné, je suis d'accord avec beaucoup de choses dites dans cet ouvrage. J'applaudis notamment des deux mains lorsqu'il fustige violemment la nouvelle formation (ou plutôt non-formation) des enseignants, déjà d'actualité en 2005. Presque tout ce qu'il affirme à ce propos est juste.
Pourtant, je refuse sa manière de cracher sur les IUFM, qui ont tout de même eu leur utilité - et leur manque s'est cruellement fait sentir parmi les stagiaires, ou même les néo-titulaires. Même si des gens m'ont prôné le contraire, je reste convaincue que ce ne sont pas des pédagogos, et que cette fausse image leur a été collée par la droite pour les couler.
Oh, autre chose qui m'a beaucoup énervée. L'auteur de ce livre est de droite, et malheureusement, ça se voit. Je veux dire par là que ses raisonnements sont biaisées, et même parfois faux. Quand il prétend que la Fabrique du Crétn s'est surtout montée sous des gouvernements de gauche, par exemple - alors que c'est quand même la droite qui a démonté tout le système...
Sur le plan du style, par contre, c'est assez réjouissant. Des références en pagaille, du cynisme, du goût littéraire... Même si ce n'est pas du tout de la fiction, cela ne m'a pas empêchée de me régaler en lisant, même s'il a une grande tendance aux généralisations douteuses et même aux sophismes. Mais je ne regrette pas ma lecture.

Bref, j'espère que ce post fera polémique - de manière pacifique, hein - mais j'aimerais vraimlent discuter avec vous de ce problème.
 

[identity profile] ishime.livejournal.com 2011-01-09 10:18 pm (UTC)(link)
Je crois qu'on ne conçoit pas le problème de la même façon. Je rejette purement et simplement l'idée de faire "payer l'addition" de ce qui s'est passé il y a plusieurs siècles aujourd'hui.
Par contre, corriger le comportement actuel des gens, y compris dans la vision qu'on peut avoir du passé, est un objectif parfaitement légitime. Dire "je ne suis pas responsable des crimes de mes ancêtres", ce n'est pas nier qu'il y a eu crime, c'est simplement dire que les coupables sont morts, et qu'on ne peut pas les remplacer par leur descendance au procès. Ce n'est pas non plus dire que la génération actuelle n'est coupable de rien - mais on ne peut l'accuser et la faire payer que pour ce qu'elle a commis elle-même.
(Après, j'ignore la situation dans les DOM TOM - j'ai entendu dire que le racisme anti-noir était encore très fort là-bas, et que la classification en fonction des parts de sang noir ou blancs avait toujours cours, mais n'y étant jamais allée moi-même... Je ne sais pas non plus ce qui se passe en Afrique. Il est de notoriété publique que les gouvernements des anciennes métropoles magouillent avec les dictateurs, et que les richesses de l'Afrique sont pillées, mais pour la deuxième chose, est-ce le fait de gouvernement, d'individus ou de sociétés privées ?)

Pour tout le mic-mac sur l'esclavagisme...
Je déteste entendre "telle race/société a pratiqué l'esclavagisme" employé comme argument pour démontrer que la race/société en question est plus coupable de racisme qu'une autre. C'est particulièrement agaçant quand il s'agit d'accuser les blancs / l'Occident. Oui, les blancs / l'Occident ont/a pratiqué l'esclavage. Les Européens comme les Américains - c'est la même civilisation, à l'origine. Mais quand on utilise cette accusation de nos jours, on oublie souvent de mentionner que :
1) l'abolition de l'esclavage est venue d'Occident. (Oui c'est paradoxal quand on parle de sociétés qui ont arraché des milliers de personnes à leur pays,leur langue et leur culture pour les envoyer sur un autre continent, mais le fait est là.)
2) Concernant la manière dont la France a aboli l'esclavage... je ne suis pas en état d'avaler l'article complet de wikipedia là dessus, mais je pense que la différence de méthode est due à deux choses. Premièrement, l'abolition finale de l'esclavage (la première tentative remonte à 1794, dès la révolution, mais Napoléon l'avait annulée) date de 1848, tandis que celle des Etats-Unis date de 1865. Ensuite, elle ne s'est pas faite à l'issue d'une guerre civile - le gouvernement a donc probablement été obligé de faire des concessions aux propriétaires.
Quand à dire que l'esclavage pratiqué par telle société est pire que l'esclavage pratiqué par telle autre... Je ne m'engagerai pas sur ce terrain là. Je ne m'y connais pas assez, et je trouve ce genre de discussion douteuse.

[identity profile] ishime.livejournal.com 2011-01-09 10:19 pm (UTC)(link)

J'ai l'impression qu'actuellement on encense le modèle communautariste et traîne dans la boue le modèle basé sur l'assimilation. Je ne pense pas qu'on puisse dire que l'un a fondamentalement raison et l'autre tort. Le modèle d'assimilation a au moins le mérite de vouloir intégrer complètement les immigrés, et de refuser l'idée de les séparer du reste de la population. (Après, ça se faisait par l'abandon de la culture d'origine, mais si on prétend que le modèle communautariste peut ne pas être excessif, je pense qu'on pourrait aussi remettre celui-ci à jour.) Le communautarisme, du moins lorsqu'il est ethnique, a une fâcheuse tendance à déboucher sur un repli communautaire et un refus de toute adaptation aux coutumes du pays d'accueil. Ce qui a donné lieu, il me semble, à des gens qui réclamaient des lois différentes pour une communauté ! (Je n'ai plus les références exactes, mais je me souviens d'un article décrivant un mouvement de musulmans canadiens demandant le droit d'appliquer la charia dans leur communauté.) Bref, les deux modèles ont leurs défauts.
Je ne voulais pas dire que le repli communautaire est la seule cause de ce phénomène ! C'est vrai que la société blanche les décrit systématiquement comme "immigrés" (la formule "immigrés de 2nde / 3ème génération" est une sacré aberration, par exemple). Mais on entend aussi beaucoup de jeunes membres de ces communautés se décrire comme non français (en se décrivant par leur appartenance à une communauté et en s'opposant aux "français"). Et à mon avis, ça entretient tout autant le phénomène, et c'est d'autant plus malsain que ça vient "de l'intérieur".

Pour être honnête, je pense que, plus encore que les origines banlieusardes, l'islam est un facteur majeur de rejet. Je ne connais pas bien les différents courants, mais de façon générale, il tend à se radicaliser et à refuser les concessions, et la société française l'accepte de plus en plus mal. (Après, qui est venu en premier de l'oeuf et de la poule...)
Sans vouloir paraître cynique, je pense qu'avant de travailler sur la couleur de peau, résoudre les problèmes de tensions religieuses assainirait considérablement le terrain. Mais ça... wishful thinking, dans les conditions actuelles. Personne n'a envie de faire de concessions, d'un côté comme de l'autre. Et on ne peut pas nier que certaines pratiques associées à l'islam posent un gros problème d'incompatibilité avec la loi française (tout ce qui concerne la condition féminine entre en conflit avec le principe fondamental d'égalité - sans même entrer dans le débat sur la compatibilité ou l'incompatibilité de l'islam avec la notion de laïcité)...

J'ai toujours trouvé bizarre cette interdiction de prendre la couleur de peau en compte dans les sondages. Ca part sûrement d'une bonne intention, m'enfin, ça vire à la politique de l'autruche... Et ça doit rendre impossible toute étude sérieuse sur le racisme et la discrimination !

Oh, ne t'en fais pas pour ça. Tu as plus de chances de me mettre en rogne que de me blesser - et la rogne, ça passe. C'est sûrement un sujet plus sensible pour toi que pour moi.

[identity profile] soleil-ambrien.livejournal.com 2011-01-10 12:28 pm (UTC)(link)
Ben, si je traîne dans la boue le modèle de l'assimilation, c'est principalement parce qu'il oblige les gens à oublier leur culture. L'expression de "repli communautaire" n'existe que si la société ne fait pas son boulot : qu'elle rejette déjà tellement les gens qu'ils se sentent mieux entre eux.
Ton exemple me rappelle fortement le Discworld... (Oui, je suis irrécupérable. xD) Si tu ne connais pas, je te résume un peu "Jeux de Nains" : la communauté naine demande à ce que le Guet Municipal (la police locale) ne s'occupe plus de ses affaires, notamment dans le cas du meurtre d'un nain fondementiste (l'équivalent des fondamentalistes, des extrémistes, en somme). Le parallélisme avec la vraie société est flagrant, et ce livre est un vrai régal.
Pour en revenir à nos moutons d'Aïd, je pense que cette idée de communautarisme n'est pas dangereuse s'il s'agit juste de quelques coutumes différentes - boire dans une corne et jouer à Thud, pour conserver le parallélisme - mais qu'il faut y mettre le holà quand on veut appliquer la loi des grags dans la ville. Anyway.
Comme tu le dis, des expressions françaises comme "immigrés de 2ème ou de 3ème génération" sont à tomber par terre, et c'est une autre raison du phénomène. Donc je crois que si tout le monde fait un effort, ça devrait pouvoir finir de s'arranger - comme en Angleterre, par exemple, qui a une histoire proche de la nôtre mais qui fonctionne selon un modèle de Salad Bowl, sans problème majeur.
L'idéal, ce serait en fait un mélange des deux, mais je pense qu'on peut toujours se gratter...

L'histoire de l'Islam encore cause de tous les maux me dérange toujours, même si je suis une belle agnostique élevée dans la foi catholique. S'il tend à se radicaliser, c'est aussi parce que le gouvernement le persécute - désolée pour la force de ce terme, mais je ne trouve pas d'autre mot, surtout avec ce débat inepte sur le voile intégral.
Après, oui, c'est vrai aussi que résoudre les tensions religieuses réglerait pas mal de trucs, mais comment faire ? Et c'est également juste qu'il existe un gros clash entre l'idée de laïcité en soi et celle d'Islam, où tout le monde est censé être croyant. Pour la condition féminine, j'ai plus de doute et je pense que beaucoup de choses que l'on dit à ce sujet tient plutôt de la légende : toutes les filles que je connais qui portent le voile le font par conviction religieuse, ce qui ne les empêche pas d'aller à la fac ou en prépa, par exemple.

Oui, moi aussi, je trouve ça étrange. D'autant plus qe les USA, une fois de plus, n'ont absolument aucun problème là-dessus. Alors, ça donne parfois des situations ridicules avec des types aussi métissés que Tony Parker, mais quand même. Et sans me la jouer parano, je pense que c'est justement le but caché : rendre impossible toute étude sérieuse sur le racisme et la discrimination.

Ah, tant mieux, alors ! ^^
Oui, j'imagine, en effet...

[identity profile] soleil-ambrien.livejournal.com 2011-01-10 12:11 pm (UTC)(link)
Alors voilà : quand je dis "faire payer l'addition", ce n'est pas dans le sens "ous êtes tous responsables, bande de déguelasses", c'est dans le sens "ce serait bien qu'on en parle, qu'on l'apprenne à l'école et éventuellement, qu'on répare l'injustice que cette situation a créé pendant des siècles". Tu vois bien qu'on n'a pas non plus la même vision de l'expression en question.
Pour le côté "en parler et l'apprendre à l'école", la loi Taubira est là - même si honnêtement, presque personne ne l'applique - mais c'est déjà ça. Pour le reste, rien du tout, et personnellement (mais ça n'engage que moi, je le dis et le répète) je ne trouve pas ça très normal.
D'autant plus que la France est le seul pays d'Europe à avoir conservé des colonies sous un autre nom, à part le Danemark pour le Groenland. Et que comme tu le dis, le racisme est encore très fort là-bas. Dans les deux sens, hein, les Antillo-Guyanais ne sont pas toujours très sympas avec les Métros et c'est indéfendable. Mais il s'agit tout de même d'un racisme de réaction; l'essentiel des Métropolitains qui viennent là-bas, surtout en Guyane, se comportent comme des parasites et traitent les Noirs comme des chiens. Pas tous, mais beaucoup, quand même.

Alors, je vais foncer dans le tas et ça ne va pas te plaire, mais pour le coup, l'esclavage pratiqué par l'Occident pendant la Traite des Noirs EST de nature raciste, que ça te plaise ou pas. C'est d'ailleurs le premier à l'être. Jusqu'ici, les esclaves n'étaient pas forcément noirs et les maîtres, pas forcément blancs. Tout a changé à ce moment-là. Et j'estime qu'on ne peut pas pratiquer pendant quatre siècles un tel type d'esclavagisme sans que ça laisse des séquelles, désolée. (Par contre je ne dirai jamais "race", sans dans l'expression "race humaine". C'est mon ptit côté Albert Jacquart. ;-) )
Pour le 1) : Oui, l'abolition de l'esclavage est venue de l'Occident, mais bon, comme tu le dis, on parle de sociétés qui ont arraché des milliers de personnes à leur pays, leur langue et leur culture pour les envoyer sur un autre continent, donc j'estime que c'est la moindre des choses. xD Et aussi, on ne parle jamais des Marrons, ces esclaves qui se sont libérés tout seuls et qui étaient qualifiés de terroristes par les békés. Comme quoi...
En ce qui concerne le 2), je n'ai pas avalé l'article de Wiki mais ma mère a écrit un bouquin sur l'esclavage, et en effet, tu as raison sur le fond, c'est certain. J'avais oublié cet aspect-là des choses...
La conversation te semble peut-être douteuse, mais pour moi, pas. On ne peut pas toujours tout mettre dans le même panier, lol. De plus, je m'y connais assez, donc je sais aussi que mes arguments tiennent debout - sans me vanter, hein.

[identity profile] soleil-ambrien.livejournal.com 2011-01-10 12:13 pm (UTC)(link)
*Quand je dis "conversation", c'est entre tel et tel type d'esclavage, hein. J'étais tellement partie dans mon élan qu'en me relisant, je m'aperçois que c'est devenu implicite...