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Il existe une version plus longue mais très différente de cette histoire, qui sera bientôt disponible sur le Monde de l’Écriture. Je mettrai le lien quand ce sera le cas.
En attendant, j'espère que ça colle à la musique...
Déluge, le conte
Il était une fois un royaume lointain où, depuis plusieurs décennies, il ne tombait plus une goutte de pluie. Les mythes parlaient d’averses et de tempêtes, mais rien de tel n’avait eu lieu, de mémoire d’homme. Toutefois, l’irrigation permettait de sauver les cultures. Quatre fleuves principaux parcouraient le pays, qui comptait d’immenses terres désertiques.
La capitale de cette contrée était une vaste ville, peuplée de hautes maisons verticales qui tentaient de toucher le ciel. Nul ne gardait le souvenir de ceux qui avaient bâti de si belles habitations, de verre et de métal mêlés. Cette vaste cité était parcourue par un fleuve, qui la divisait en deux. En son centre, il se tenait une île, sur laquelle prenait place le château – deux tours anciennes, ornées de rosaces et de statues. On ne discernait plus la véritable couleur du monument, qui arborait actuellement des tons gris, sinistres.
Noah en était la jeune princesse. C’était une jeune fille, élégante et gracile, qui aimait à étudier au cœur de l’antique bibliothèque. Depuis la mort de sa mère, quelques lunes auparavant, elle portait le deuil. Le seul bijou qu’elle avait conservé lui provenait justement de la disparue. Il s’agissait d’un collier, conçu par un architecte des temps anciens. Il se transmettait de générations en générations dans la famille royale. Le pendentif représentait un dessin stylisé de navire en relief, le même que celui du blason de la ville – hormis le fait qu’il était ici coupé en deux. L’autre moitié du médaillon restait introuvable.
L’adolescente étudiait sans cesse, afin d’échapper à l’emprise de son père. Certes, elle était l’unique héritière du trône, mais elle soupçonnait également la protection du roi d’être abusive. On comprenait aisément qu’il l’empêche de sortir ; toutefois, certaines caresses étaient peut-être de trop. On eût dit qu’il retrouvait sa mère en elle, d’une manière excessive. En outre, elle avait peur de ce qu’elle pouvait ressentir lors de ces attouchements contre nature, car au lieu de se révolter, son cœur et son corps les désiraient parfois. Elle frissonnait alors d’une horreur qui la disputait au plaisir, immonde.
Même si elle était seule, isolée dans l’une des ailes du palais, le rouge lui montait aux joues au souvenir d’un père trop pressant, ses mains caressant sa chevelure de jais et sa bouche cherchant sa sienne. Elle se sentait coupable d’avoir accepté certains de ces baisers incestueux, ce qui embrasait son bas-ventre de désir, malgré son intense honte. Dans de telles situations, elle préférait encore la fuite, par peur des envies paternelles – et également des siennes.
Noah parcourait alors les dédales du château qui l’avait vue naître. Belle et solitaire, elle errait comme une âme damnée dans les couloirs, en fuyant son géniteur et ses propres penchants interdits. Cela lui laissait le temps d’y réfléchir longuement.
La loi du royaume leur permettrait-elle de se marier? Parfois, il lui arrivait de le désirer de tout son corps. A d’autres moments, elle se blâmait pour son indolence, due à un abus de pouvoir paternel, et souhaitait ardemment que ce fût impossible. Toutefois, lors des instants de faiblesse, elle se souvenait de vieilles ballades ou de légendes qui narraient de l’union du souverain avec sa sœur, ou avec sa fille. Pourquoi pas elle ? Puis elle secouait la tête et essayait de penser à autre chose.
Pourtant, c’était plus fort qu’elle. Mûe par une inspiration malsaine, elle passait des jours et des nuits dans la bibliothèque, à lire des ouvrages sur le sujet. Sans savoir si c’était un bien ou un mal, elle ne trouvait jamais rien qui autorisât le mariage de parents aussi proches. Intrigué par l’air fatigué qu’arborait depuis peu la princesse, le roi la suivit un soir en secret afin de l’épier. Entourée de lourdes piles, sa fille était plongée dans d’épais manuscrits.
« Qu’est-ce que tu lis ? » lui demanda-t-il d’un ton curieux, comme si c’était par hasard qu’il se trouvait ici. L’adolescente fut si surprise qu’elle en laissa tomber son livre, que son père ramassa prestement.
« Voyons voir… Depuis quand t’intéresses-tu aux lois conjugales ? » Une lueur de compréhension s’alluma soudain dans son regard lorsqu’il parcourut la page à laquelle elle s’était arrêtée.
« Ce n’est pas ce que vous croyez », tenta-t-elle de balbutier, les joues rouges, mais c’était trop tard. Il lui prit le menton dans sa main et l’obligea à le fixer droit dans les yeux.
« Pourquoi t’embarrasser de ce qui est dicté aux humains ? insinua-t-il. Je suis monarque, ma chérie. Et je modifie à loisir les règles de mes sujets. Est-ce clair ? »
Elle bredouilla un « oui » confus, qui s’acheva sur les lèvres de son père. Cette fois-ci, elle ne se déroba pas, maintenant que son secret était découvert – le fait que tout au fond d’elle, elle désirait une telle alliance, aussi monstrueuse fût-elle. Il l’embrassa encore, et dans l’obscurité du lieu où ils se trouvaient, isolés de tous et de tout, il se permit bien plus encore. Noah n’avait jamais éprouvé autant de plaisir. Elle n’aurait pensé que ce serait son propre père qui le lui procurerait.
Elle continua cependant ses investigations, pour s’occuper plus qu’autre chose. Apparemment, les Anciens avaient crypté un message, à propos d’une catastrophe naturelle – ou plutôt, indirectement causée par les hommes – qui serait encore à venir. Lorsque son père disposait d’elle à son gré, elle ne pensait même pas à lui rendre ses caresses, tant elle était obsédée par l’obscure prophétie. Le roi convoquait sa fille à n’importe quelle heure, ou alors, il la rejoignait dans la bibliothèque… Les courtisans feignaient de ne rien voir, de ne pas comprendre. Personne ne la sauverait de lui. Elle ne réussissait pas toujours à arrêter en elle ce flot de haine sauvage et de passion, un dégoût fascinant envers son géniteur et sa propre personne.
Un jour, elle trouva dans une salle reculée et couverte de toiles d’araignées une enclave dans le sol. Il s’agissait d’un cercle sculpté, qui représentait un demi-bateau. Ce dessin lui était incroyablement familier… Après un long instant de réflexion, accroupie sur le sol, elle tenta d’en avoir le cœur net. Déconcertée, la princesse porta la main à son cou et détacha son pendentif de l’autre. Pas de doute, il permettait de compléter le motif.
Elle inséra alors le médaillon dans la structure en relief, ce qui lui permit d’obtenir une nef entière, identique aux armes de la cité. Au même moment, un mécanisme s’enclencha et après maints tours de la part des rouages, un livre sortit du sol, installé sur un pupitre d’airain. Intriguée, l’adolescente le prit délicatement afin de le parcourir. C’était en fait un récit du déluge, orné de gravures terrifiantes, qui mettaient en garde le lecteur contre un prochain évènement de même nature. La langue, bien qu’ancienne, restait intelligible.
Noah fut particulièrement frappée par l’illustration d’une jeune fille aux lourdes tresses, en larmes, qui tenait devant elle les deux moitiés d’un motif gravé dans un cercle. Le symbole de leur ville… Pourquoi cette image de bateau revenait-elle sans cesse ? Sous le blason, une devise, qu’elle avait souvent lue ailleurs, prolongeait l’avertissement. Du moins, c’était ce qu’affirmait l’ouvrage trouvé. Pourtant, il ne la traduisait pas, ce qui était dommage car plus personne ne parlait ce vieux langage. Peut-être qu’on s’exprimait couramment en cette langue, du temps où le manuscrit avait été rédigé.
Songeuse et inquiète, la princesse alla se coucher. Ce qu’elle avait découvert la taraudait. Comment un déluge pouvait-il survenir dans un désert aussi aride ? Jamais de sa vie elle n’avait connu la pluie. Pas de doute, l’ouvrage se trompait. Hormis le fleuve, nulle source d’eau n’alimentait le royaume, et ce, depuis plusieurs générations. Le ciel ne pleurait plus depuis si longtemps qu’il arrivait même aux scientifiques de s’interroger sur l’existence même de la pluie, phénomène inconnu et donc, mystérieux.
Soudain, Noah fut réveillée par un fracas inimaginable. Elle se précipita à la fenêtre et là, elle y découvrit un spectacle inouï : un orage. Elle ferma les yeux de toutes ses forces et se boucha les oreilles, terrorisée. Le grondement du tonnerre, les éclats de foudre, les rafales de vent, c’en était trop. Jamais elle n’avait assisté à un évènement aussi terrifiant. Les gouttes d’eau qui s’écrasaient à terre lui semblaient immenses. Non sans luttes, elle ferma les battants transparents et contempla la tempête. Les éléments s’étaient déchaînés. L’averse s’abattait sans répit sur la cité, tandis que des éclairs sillonnaient le ciel gris.
Craintive, elle se blottit dans son lit, comme un petit animal apeuré. Ce fut là que son père la découvrit. Lui aussi paraissait effrayé. Pourtant, il gardait contenance. Après avoir rassuré ses sujets, il était venu voir comment sa fille réagissait. Il se coucha à ses côtés, excité par le danger qu’ils encouraient peut-être à cause des éclairs, mais elle n’avait pas le cœur aux jeux pervers. Elle tenta de lui expliquer le risque d’un nouveau déluge et lui évoqua le livre, en vain. Il lui ferma la bouche de ses baisers et rit de ses peurs.
Cependant, les précipitations s’avérèrent tout aussi féroces le jour suivant, ainsi que celui qui le suivit. Il en fut de même un mois durant. Le niveau du fleuve monta lentement. Malheureusement, ce ne fut que lorsque les points les plus bas de la ville commencèrent à être inondés que le souverain se souvint vaguement de l’avertissement de son enfant. Il l’appela un soir. La princesse se présenta en tremblant de joie et d’appréhension, mais cette convocation n’aurait pas lieu selon le déroulement habituel de leurs entrevues. A la place, il l’interrogea à propos du manuscrit.
Il mit sa main dans la sienne afin qu’elle le guidât jusqu’à la pièce oubliée et à son lutrin de métal, où se tenait le vieil ouvrage. Elle lui expliqua également que ce document parlait d’un bateau, caché au cœur de la cité, qui les sauverait tous. Si ses calculs étaient bons, il s’agissait précisément du palais, seulement, elle ne comprenait pas la manière dont on l’évoquait dans le livre. Le mot lui était totalement étranger. D’ailleurs, même en faisant abstraction de cette désignation inconnue, elle n’avait pas trouvé la cachette en question. Le roi lui ordonna de s’y atteler.
Pendant ce temps, l’eau envahissait la cité, sans relâche. Des semaines plus tard, alors qu’un véritable lac s’étendait sur le parvis, Noah découvrit enfin la seconde enclave. Elle se situait entre les deux tours du palais, tout en haut. Il était dès lors nécessaire d’en sortir pour la voir. C’était pour cela qu’elle avait mis tant de temps. Le cercle sculpté s’ouvrait grâce au pendentif. Une niche dans le mur apparaissait alors. Il s’y trouvait une nef blanche, pareille à celle qui ornait le blason de la ville. Il ne restait plus qu’à le remplir des vivres prévues en cas de siège. Peu à peu, les habitants du palais y prirent place. Entretemps, le niveau du fleuve progressait toujours, jusqu’à envahir la rosace du fronton elle-même. Seules les deux tours émergeaient de la surface.
Le dernier jour, lorsqu’il ne resta plus que Noah et son père pour compléter la liste des passagers, la jeune fille s’aventura au sommet de l’un des clochers – c’était ainsi qu’on en parlait dans son livre ancien. Le roi l’y suivit. Une fois loin des regards, il tenta de l’embrasser. L’adolescente était toujours autant déchirée entre le désir et la haine. Cette fois, ce fut cette dernière qui l’emporta. Sans même réfléchir à l’ampleur de son geste, elle le poussa dans le vide. La rambarde était presque inexistante et n’empêcha nullement la chute du souverain.
Elle redescendit, le cœur enfin apaisé. Ce serait facile de prétendre un accident quelconque. De toute manière, nul ne la contredirait. Elle serait reine, désormais.
no subject
Date: 2011-06-19 10:20 am (UTC)Hum, j'avoue que je l'ai moins aimée que la première. J'ai apprécié l'aspect conte, mais le thème de l'inceste père/fille, ça m'a vraiment dérangée. De plus, la musique était bien choisie mais j'ai plus de mal à lire quand il y a des paroles : j'ai donc eu plus de difficultés à lire en même temps.
C'était cependant très bien écrit, comme ton autre fiction ^^.
no subject
Date: 2011-06-20 01:44 pm (UTC)Je n'avais pas pensé à ça, pour les paroles ! C'est vrai que c'est plus facile de suivre un texte avec un fond instrumental.
Merci de trouver que j'écris bien, c'est gentil de ta part ! ^^